Mémoires de la guerre d’Algérie

GUERRE D'ALGÉRIE : DES RENCONTRES POUR COMPRENDRE

Après avoir, comme toutes les classes de 3e, visité au CDI l’exposition de l’ONAC (Office national des anciens combattants) « La guerre d’Algérie : histoire commune, mémoires partagées », la classe de 3e3, guidée par Mme Huber et M. Adloff a rencontré au CDI trois témoins de la période de la guerre.

Photo Angélina
Photo Angélina

Mme Javaloyès, fille de « pieds noirs » rapatriés, M. Ancelet, appelé affecté dans l’armée de l’air et M. Bronner (voir les rencontres de 2021 ci-dessous) ont discuté avec les élèves pendant 1h30.

Pour préparer ce travail, Amélie Kratz, doctorante en histoire et intervenante de l’association MIRA (Mémoire des Images réanimées d’Alsace), est venue présenter aux classes de 3e3 et 3e4 une passionnante réflexion historique autour des films amateurs tournés par des appelés en Algérie.

Nous présentons ici des interviews de Mme Javaloyès et de Mme Kratz. Ainsi qu’une une présentation d’images extraites des archives de la famille de Mme Javaloyès.

SOUVENIRS D'UNE FAMILLE DE "PIEDS NOIRS"

Mme Javaloyès avec Orges et Yasmina.

Catherine Javaloyès est née le 1 er décembre 1959 à Oran, ville portuaire au nord-ouest de l’Algérie. Sa famille est originaire d’Espagne du sud (Andalousie) et d’Italie du sud (Campagnie). Ses parents étaient agents E.G.A (Electricité et Gaz d’Algérie) à Oran. En Juillet 1962, la famille doit quitter l’Algérie pour la France. Elle vit en Alsace pendant plusieurs années avant de partir pour Montpellier. Catherine Javaloyès est bien connue au Collège. Comédienne et metteure en scène elle intervient au Collège pour les classes de 3e. Elle dirige la compagnie Le Talon Rouge.

Trop jeune pour avoir elle-même des souvenirs de l’Algérie, elle a souvent entendu ses parents en parler. Elle a aussi collecté les souvenirs de son frère et retrouvé dans les documents conservés par sa famille les traces d’une histoire maintenant lointaine.

Nous avons choisi d’évoquer avec elle trois souvenirs de sa famille :

 

un souvenir heureux de l’Algérie de ses parents.

un souvenir tragique de cette période resté dans la mémoire familiale.

un souvenir de l’arrivée en France.

L’ALBUM DE CATHERINE JAVALOYES

Du côté de mon père, la famille Galiana… ils dégustent la fameuse anisette locale.
La famille et les voisins …un pas de porte à Oran.

LE FILM AMATEUR : UN OUTIL POUR L’HISTORIEN

Interview de Amélie Kratz, doctorante en histoire.

Quel est l’intérêt pour l’historien des films amateurs ?

Les films amateurs sont des « traces » de la vie privée qui permettent aux historien.ne.s d’accéder aux pratiques quotidiennes et intimes. Documentant les événements heureux dignes de constituer la mémoire familiale (fêtes, vacances, anniversaires, loisirs associatifs, etc.), ces sources montrent en réalité une forme de quotidien extra-ordinaire. Elles sont considérées comme des « contre-archives » en ce sens qu’elles apportent un regard différent sur l’histoire et sur la façon d’écrire l’histoire qui a beaucoup été conçue autour de récits nationaux émanant d’archives officielles écrites ou filmiques.

Qu’apportent ces films à la compréhension de la période de la guerre d’Algérie ?

Les films amateurs présents dans les fonds de la cinémathèque régionale MIRA proposent un regard ‘à hauteur d’hommes’ sur la guerre d’Algérie. Tournés par des appelés du contingent, ces sources ne montrent pas les combats. Au contraire, elles donnent à voir des moments d’insouciance et de légèreté qui contrastent avec les horreurs vécues et commises : la vie quotidienne à la base, les temps de repos, les permissions. La caméra amateur apparaît comme un moyen d’échapper à la réalité de la guerre. Ces images témoignent également d’une forme de curiosité pour un pays inconnu, teintée d’exotisme colonial. Le film amateur perpétue d’une certaine façon les rapports de pouvoir qui existent dans la société coloniale entre dominants et dominé.e.s.

Vous trouverez ci-dessous les liens vers les films montrés en classe qui sont disponibles sur la plateforme Rhinédits :

Défilé militaire et marché à Telergma : 

https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Parachutistes_fran%C3%A7ais_%C3%A0_Telergma_(0003FH0011)

Visite officielle De Gaulle en 1958 : 

https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/De_Gaulle_en_Alg%C3%A9rie_(0003FH0009)

Indépendance de l’Algérie, scène de liesse à Alger en juillet 1962 : 

https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Bas:Sc%C3%A8nes_de_liesse_%C3%A0_Alger_(0130FH0004)

POUR APPROFONDIR

Le site de la MIRA

 

https://www.miralsace.eu

 

Un documentaire

À l’occasion du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, France 2 propose une série documentaire qui donne la parole sans tabou à tous les témoins de cette histoire.

 

https://www.france.tv/france-2/c-etait-la-guerre-d-algerie/

LES RENCONTRES DE 2021 : TROIS


TÉMOINS, TROIS MÉMOIRES

Le mercredi 9 juin 2021, au collège Foch, la classe de 3°3, encadrée par leurs professeurs d’Histoire-Géographie et de Français, M. Adloff et Mme Huber ainsi que par le professeur documentaliste, M. Ambroise, a bénéficié d’une rencontre exceptionnelle avec trois témoins de la guerre d’Algérie :

 

Monsieur Soufi, enfant de la guerre, Monsieur Bronner soldat appelé et Monsieur Pertusa, Français né en Algérie. Ils étaient accompagnés par Madame Lethenet de l’Office national des anciens combattants (ONAC), qui proposait cette action.

 

Nous nous sommes installés au CDI pour deux heures d’échange.

 

Tout d’abord, chaque témoin s’est présenté et a évoqué sa vision de la guerre d’Algérie. La classe était captivée par les récits et a même sacrifié une partie de sa récréation pour en apprendre plus. A travers ces témoignages nous avons pu percevoir la violence de cette guerre et la diversité des regards portés sur elle. C’était le sujet de l’exposition “Histoire commune, mémoires partagées” sur laquelle les élèves avaient travaillé au CDI la semaine précédent la rencontre (voir plus bas le site de l’exposition).

 

Texte Shinano Poret

L’arrivée des témoins au collège Foch (photo. Maxime)
De gauche à droite : Mme Lethenet (ONAC), M. Bronner, M. Soufi et M. Pertusa

TROIS SOUVENIRS DE LEUR JEUNESSE

INTERVIEW VIDÉO DES TÉMOINS :

A l’issue de la rencontre avec la classe de 3°3, nous avons accueilli les trois témoins pour leur poser trois questions. Nous avions préparé un petit studio avec trois affiches de l’exposition de l’ONAC comme décor. Nous avons installé la caméra sur un trépied et branché le micro. Nous avons choisi d’évoquer avec eux trois souvenirs :

 

– un souvenir heureux de l’Algérie,

– un souvenir de la guerre

– un souvenir de leur arrivée ou retour en France.

 

Le premier témoin est Laredj Soufi. Fan de Victor Hugo et enfant lors des faits, il raconte sa vision de la guerre à travers les yeux d’un enfant de 10 ans.

Nous questionnons ensuite Guy Pertusa, qui nous explique le point de vue d’un français né en Algérie.

Pour finir, Jules Bronner, un soldat français appelé pendant la guerre d’Algérie, nous dévoile comment il a vécu le conflit.

Les trois questions ont mené à des réponses bien différentes mais toutes très intéressantes, comme quoi un même événement peut être vu sous plusieurs angles.

 

Manteaux Nora, Busché Soline, Poret Shinano

 

 

La discussion avec Monsieur Pertusa s’est poursuivie pendant la récréation (photo. Shinano)

MÉMOIRES DE LA GUERRE D’ALGÉRIE :

UNE ÉMISSION RADIO ET UNE EXPOSITION

En partenariat avec l’Office national des anciens combattants (ONAC), le collège a proposé aux élèves de 3e de mener une réflexion sur la période de la guerre d’Algérie (1954-1962). Cette action, mise en place en juin 2019, devait être reconduite en 2020. Le travail, a été préparé en cours d’histoire et de français, et a pris appui, au CDI, sur deux supports : une exposition de l’ONAC et l’enregistrement, dans les conditions du direct, d’une émission de radio (à écouter en cliquant sur le lien ci-dessous).

Soldats français à Souk Ahras- source Wikipedia

Avant d’écouter l’émission …

– consulter cette chronologie en image de la guerre d’Algérie

https://www.lumni.fr/jeux-educatifs/frise-de-la-guerre-d-algerie/index.html

– consulter la carte ci-dessous et les compléments de l’ONAC

https://www.onac-vg.fr/une-exposition-numerique-sur-les-memoires-de-la-guerre-algerie

MÉMOIRES DE LA GUERRE D’ALGÉRIE : L’ÉMISSION

CONÇUE ET CONDUITE PAR LES ÉLÈVES DANS LES CONDITIONS DU DIRECT

Avant l’émission : autour de la table, de gauche à droite, M. Taieb, Rania, M. Sellam, M. Soufi, Sarah, M. Fauth, Maëlle de dos.

LES TÉMOINS

Ils étaient enfants en Algérie (Joseph Sellam, Laredj Soufi), appelé pendant les « événements » (Armand Fauth) ou membre algérien des forces françaises (Adda Taieb) ; ils ont confronté leurs visions de cet épisode lors de l’émission de radio animée par les élèves.

 

Accéder à la fiche biographique des témoins : le diaporama de ONAC.

ÉCOUTER L’EMISSION

De gauche à droite : Joseph Sellam, Laredj Soufi, Adda Taieb, Armand Fauth

CONTENU DU PROGRAMME

(* : mots figurant dans le lexique)

0-1.00 mn – Introduction et présentation de la musique du générique composée par le chanteur algérien El Hachemi Guerouabi.

 

1.04 – Présentation des témoins.

 

1.37 – Interventions dans le public : deux élèves exposent les raisons pour lesquelles ils sont présents.

 

2.30 – Point histoire n°1 : aux origines de la guerre, la colonisation de l’Algérie, une société fracturée, les massacres de Sétif et Guelma en mai et juin 1945.

 

3.17 – Extrait des actualités de novembre 1954 : les attentats du FLN* pendant la « Toussaint rouge », qui marque le début de la guerre d’Algérie.

 

4.40 – Point histoire n°2 : les étapes de la guerre.

 

5.32 – Témoignage de M. Sellam, ses souvenirs d’une enfance dans un climat de guerre.

 

7.05 – Témoignage de M. Soufi : tout jeunes, M. Soufi et un ami choisissent de secourir un appelé français poursuivi par des fellagas*.

 

8.46 – Point histoire n°3 : une guerre fratricide. Dans chacun des deux camps, des luttes parfois violentes opposent des groupes aux visées différentes. Dans le camp algérien MNA (Mouvement National Algérien), FLN* (Front de libération national) et harkis* (supplétifs* algériens de l’armée française) s’opposent ; dans le camp français les partisans des négociations sont attaqués par l’OAS* (organisation de l’armée secrète). Considéré comme un traître, le Général de Gaulle est l’objet de plusieurs attentats.

 

10.05 – Témoignage de M. Taieb. Algérien bénéficiant de la pleine citoyenneté française, en raison de l’engagement de son père sergent-chef des zouaves gazé pendant la première guerre mondiale, Adda Taieb est sous-officier de l’armée française dès avant la guerre. Favorable à l’Algérie française il souhaitait que soit enfin instaurée l’égalité des droits entre « pieds noirs* » et Algériens musulmans. Selon lui, le FLN* a progressé en raison de la grande misère dans laquelle la colonisation a maintenu les Algériens. « L’Algérie, nous ne l’avons pas perdue militairement mais politiquement » affirme-t-il.

 

12.26 – Témoignage de M. Fauth. Plus d’un million de jeunes français ont été appelés* en Algérie. M. Fauth a été l’un d’eux. Il découvre la réalité algérienne à Constantine (voir carte ci-dessous) et comprend progressivement que les adversaires sont des « résistants » comme ceux que la France a connus pendant la seconde guerre mondiale, par exemple dans le Vercors (célèbre « maquis* » pendant la période de l’occupation allemande de la France). En tant que sous-officier, il se décrit comme un « privilégié », et dit avoir vécu, comme tous les militaires basés dans les villes, coupé de la population algérienne. Il n’a pas de souvenir marquant. M. Sellam a le même sentiment.

 

17.51 – M. Soufi a, lui, des souvenirs traumatisants : deux de ses oncles ont été fusillés. Il se rappelle des scènes de rafles et un échange avec un appelé favorable à l’indépendance de l’Algérie.

 

18.49 – M. Taieb, algérien de nationalité française, membre de l’armée française lorsque la guerre commence, n’est pas à proprement parler un harki*. Il évoque ici ces supplétifs* algériens de l’armée française, enrôlés de force, poussés à s’engager pour fuir la misère ou désireux de rester français. Ils ont été victimes d’une vengeance féroce du FLN au moment de l’indépendance. M. Taieb se rappelle avec émotion les règlements de compte à Oran qui ont fait, selon lui, 3700 morts en deux jours.

 

22.14 – MM. Sellam et Taieb évoquent la cohabitation entre juifs et musulmans en Algérie. Pour M. Sellam, malgré des remarques antijuives fréquentes, supportées avec résignation, de nombreux liens unissaient les juifs et musulmans. Ces derniers demandaient parfois aux juifs de prier pour le retour de la pluie. Pour M. Taieb, le décret Crémieux (1870), qui a donné la pleine citoyenneté aux seuls juifs, a attisé les inimitiés. M. Sellam souligne qu’au moment de l’indépendance le décret a eu des conséquences tragiques pour les juifs algériens : cette citoyenneté française les a obligés à fuir leur pays avec les pieds noirs [les juifs étaient présents en Algérie au moins depuis la période romaine.] Le décret Crémieux a été « cher payé » selon lui.

 

28.04 – Point histoire n°4 : Les accords d’Evian. La fin de la guerre d’Algérie.

 

28.45 – A Vava inouva, chanson kabyle* du chanteur Idir récemment disparu, présentée par Nina.

 

32.55 – Séance de questions des élèves présents :

 

– L’après-guerre, comment a-t-il été vécu ? Réponses de M. Sellam puis de M. Fauth, qui évoque la question importante du retour des appelés, dont les traumatismes ont le plus souvent été ignorés.

 

– Les indépendantistes algériens, rebelles ou résistants ? Réponse de M. Sellam.

 

 

Lexique :

Appelés : français appelés en Algérie pendant leur service militaire. Ils seront 500.000 au plus fort de la guerre.

Fellagas : rebelles algériens.

FLN : Front de libération nationale fondé en 1954. L’ALN (armée de libération nationale) est sa branche militaire.

Harkis : supplétifs (appuis) algériens des forces françaises. Selon les historiens, environ 60 000 harkis seront victimes de représailles à la fin de la guerre.

Kabyle : originaire de Kabylie, région montagneuse située au nord-est d’Alger.

Maquis : groupe de résistants basés dans les lieux isolés (montagnes…).

OAS : Organisation de l’armée secrète. Groupe terroriste regroupant des Français hostiles à l’indépendance de l’Algérie.

Pieds noirs : Français d’Algérie d’ascendance européenne.

Supplétif : qui vient compléter. Les harkis étaient enrôlés en tant que compléments pour l’armée française.

 

Il est fortement conseillé d’améliorer ses connaissances en écoutant les interviews de spécialistes sous ce lien.

 

https://www.onac-vg.fr/une-exposition-numerique-sur-les-memoires-de-la-guerre-algerie

QUESTIONNAIRE

1- Ecoutez les différents « points histoire » (le minutage est indiqué dans la fiche « contenu du programme ») et rédigez une chronologie faisant apparaître les événements importants. Donnez des chiffres.

 

 

 

2- 10.05 mn : témoignage de M. Taïeb. Expliquez cette phrase “La guerre d’Algérie, nous ne l’avons pas perdue militairement, nous l’avons perdue politiquement.”

 

 

 

 

3- 12.26 mn : témoignage de M. Fauth. Que comprend le jeune appelé quant à ses “adversaires” ? A qui les compare-t-il ?

Que comprend-il de leurs motivations ?

 

 

 

 

4- Lorsqu’il évoque l’année de sa vie passée en Algérie, M. Fauth déclare qu’il ne garde “aucun souvenir marquant de cette période”. Pourquoi ?

 

 

 

 

6- 22.14 mn : comment les musulmans et les juifs cohabitaient-ils ? De quels exemples précis M. Sellam se souvient-il ?

Quel décret explique que les musulmans aient pu éprouver un certain ressentiment à l’égard des juifs ? En quoi consistait ce décret ?

 

 

 

 

7- Pourquoi selon M. Sellam pourquoi les juifs ont-ils “chèrement payé” cette loi ?

 

 

 

UNE EXPOSITION DE L’ONAC

L’exposition de l’ONAC Guerre d’Algérie : histoire commune, mémoires partagées ? a été présentée au CDI au mois de mai 2019. Toutes les classes de 3e ont travaillé sur cet ensemble à partir d’un questionnaire adapté.

Le complément numérique à cette exposition revient sur les principales notions à connaître grâce à de courtes interviews vidéo de spécialistes. Il peut être consulté à cette adresse :

 

https://www.onac-vg.fr/une-exposition-numerique-sur-les-memoires-de-la-guerre-algerie

Les villes d’Oran et de Constantine sont évoquées pendant l’émission par MM. Taïeb et Fauth.
Le découpage administratif de l’Algérie avant l’indépendance.

UN ROMAN

POUR MIEUX COMPRENDRE 

 

LA SOCIETE ALGÉRIENNE

Un été algérien de Jean-Paul Nozière, raconte l’histoire d’une amitié entre deux enfants, compromise par la violence de la guerre.

 

 

https://www.babelio.com/livres/Noziere-Un-ete-algerien/256696

REMERCIEMENTS

 

Le collège remercie chaleureusement Mme Lethenet (ONAC) et M. Galeotti (Lycée des Pontonniers) pour leur aide précieuse.